Guerre 39-45 ¤ Bombardement de Noisy-le-Sec 




Voici un ensemble d'articles sur le bombardement de Noisy-le-Sec. Les-uns-les-autres sont plus ou moins complémentaires. A terme, je ferais un article global en reprenant des infos de ces articles (la mise-à-jour seront annoncée dans le Blog).

Bombardement de Noisy-le-Sec

Le bombardement de Noisy-le-Sec est un important bombardement aérien mené le 18 avril 1944 sur la ville de Noisy-le-Sec (actuellement située dans le département de la Seine-Saint-Denis) à l'est de Paris.

Le bombardement du 18 avril 1944

La cible était la gare de Noisy-le-Sec et son dépôt de munitions.

Les aviateurs anglo-saxons avaient pour habitude de bombarder à très haute altitude pour protéger leurs avions des tirs de la DCA allemande. Les deux tiers des bombes larguées n'atteignirent hélas pas leur cible3.

Bilan humain et matériel

La ville de Noisy-le-Sec, détruite à plus de 75%, fut déclarée « ville morte », par arrêté préfectoral le 5 août 1944.

La zone sinistrée s'étend à toute la ville, comme par exemple la rue Denfert-Rochereau. Est sauvegardé le secteur bordant la route de Rosny, l’avenue Victor-Hugo, la rue de Merlan, la rue de Brément à partir de Merlan et certains pavillons du quartier de la Boissière.

L'église Saint-Étienne perd son clocher, une statue du square Paul-de-Kock à Romainville est foudroyée.

Des bombes non explosées sont encore parfois découvertes.

 BOMBARDEMENT DEVASTATEUR A NOISY-LE-SEC

Opération Overload.... Un nom désormais mondialement célèbre. Ce fût en effet le code de la plus gigantesque opération militaire de notre histoire contemporaine : le débarquement du 6 juin 1944.

Cette manœuvre militaire audacieuse qui visait à anéantir le pouvoir nazi à partir de l'Angleterre avec des combattants majoritairement occidentaux (Américains, Français, Anglais, Canadiens, Ecossais, ...) fut suivie, quelques semaines plus tard d'une opération similaire dans le sud de la France : Le débarquement de Provence. Cette seconde vague, qui avait pour objectif de prendre les forces Allemandes en tenaille, était essentiellement composée de combattant d'Afrique du Nord et d'Afrique Noire, pour la plupart ressortissants des anciennes Colonies.

Mais quel rapport donc avec le bombardement du 18 avril 1944 à Noisy-le-Sec ?

Bombardement Noisy 18 avril 1944|P. CANTALOUBE pr JENB PRODUCTIONS

Afin que ces opérations de débarquement soient une réussite, les forces Alliées devaient préalablement désorganiser le pouvoir militaire nazi.

C'est ainsi que depuis plusieurs mois déjà, les réseaux de Résistance, et en particulier la Résistance-Fer, lançaient des opérations ponctuelles, ciblées, contre les forces d'occupation. Malgré leur courage (de nombreux résistants et civils furent tués en représailles à ces sabotages), leurs actions ne faisaient que retarder de quelques jours les expéditions de convois. Il fallait donc une opération de grande envergure pour déstabiliser durablement l'armée allemande.

Noisy-le-Sec est situé sur le réseau de la Compagnie de l'Est (A cette époque, la SNCF n'existe que depuis 1937, et l'Etat n'est actionnaire des 5 grandes compagnies qu'à hauteur de 51%) qui gère le réseau ferré sur cette zone géographique. Ses voies ferrées sont d'une haute valeur stratégique puisqu'y transitent tous les trains en direction de l'Allemagne : convois de Déportés, convois de militaires Allemands blessés, convois d'oeuvres d'art françaises spoliées, mais aussi dans le sens inverse, tous les convois de matériels militaires pour renforcer les positions Allemandes en France.

Bombardement Noisy 18 avril 1944|P. CANTALOUBE pr JENB PRODUCTIONS

A cette époque de la compagnie de l'Est, la gare de Noisy présente deux particularités :

- Le dépot : Situé à quelques kilomètres du terminus parisien, le dépôt de Noisy-le-Sec est le plus important de cette tête de ligne. Toutes les locomotives à vapeur qui assurent les convois en partance pour l'Allemagne y sont garées, entretenues, et réparées (beaucoup de réparations sont la résultante des sabotages de la Résistance) ;

- le triage : le plus gros triage du secteur est de Paris, il s'étendait jusqu'à Pantin. Tous les convois de marchandises y étaient composés et stockés avant leur expédition. Malheureusement, personne n'ignore que ces wagons de marchandises ne transportaient pas que du matériel ! Les Internés du camp de Drancy y transitaient pour leur expédition funèbre vers les camps de la mort.

Compte-tenu du caractère stratégique de ces deux installations, les Alliés ont donc décidé de les anéantir par un bombardement massif, avant les opérations de débarquement.

Mais, contrairement aux aviateurs français, les aviateurs anglo-saxons avaient pour habitude de bombarder à très haute altitude pour protéger leurs avions des tirs de la DCA allemande. La précision des tirs s'en trouvait donc considérablement altérée.

C'est pourquoi, en ce 18 avril 1944, lorsque que plusieurs centaines d'avions vinrent bombarder les installations ferroviaires de Noisy et Pantin, les deux tiers des bombes larguées n'atteignirent pas leur cible et atterrirent sur la population civile.

Cette tragédie meurtrière est donc un fait historique directement lié aux opérations de débarquement qui s'en suivirent en juin 1944.

18 avril 1944 : Juvisy et Noisy-le-Sec sous les bombes alliées

Il est 23 h 15, le 18 avril 1944 lorsque le chef adjoint du préfet de police Maurice Toesca observe le ciel de Paris depuis son bureau. Un quart d’heure plus tard, un bruit d’avions rompt le silence tandis que les batteries antiaériennes de l’occupant (la flak) ouvre le feu. Le même scénario est observé à Passy et les tirs en direction du ciel sont intenses alors que les premières explosions des bombes retentissent. A Vincennes, les murs tremblent et il semble que des habitations sont touchées.

Ces alertes correspondent à un puissant raid aérien de la RAF qui a deux objectifs: les triages de Juvisy et Noisy-le-Sec en région parisienne. La mission est confié par le Bomber Command aux équipages de 125 Halifax qui suivent le passage de 61 Halifax et 8 Mosquito chargé de baliser et d’éclairer le périmètre des zones à matraquer. Les hangars à locomotives, les ateliers de réparation, les voies d’accès sont pulvérisées. Les projecteurs ennemis sont sans effet sur les appareils et l’intervention des chasseurs de nuit de la Luftwaffe très faible. Les incendies se développent et ils sont selon les témoins nombreux et impressionnants. Pourtant le travail de marquage de la cible n’est pas aussi satisfaisant malgré les efforts particuliers qui ont été accomplis.

La surface bombardée fait six kilomètres de long sur trois de large. 750 maisons sont détruites, 2 000 plus ou moins endommagées. On va dénombrer 464 morts et 370 blessés. De nombreuses bombes à retardement aux alentours de deux cents vont exploser pendant une semaine sur la zone. Le triage de Noisy-le-Sec est une immense ruine. Tout est dévasté et il faudra six années de travaux pour que son activité redevienne normale.

Juvisy est une ville logée çà la même enseigne à compter de 23 h 21, ce même 18 avril puisque les équipages des 83e, 87e et 617e escadrons y délivrent leurs munitions. La zone est bien éclairée et les bombardiers se présentent en deux vagues, la première sur le secteur sud, la seconde sur le secteur nord. Les dégâts sont impressionnants mais des familles sont frappées dans des abris et enterrées vivantes. Plusieurs adultes et des enfants meurent asphyxiés avant d’avoir pu être dégagés. On dénombre ici 125 morts et plus de 600 blessés sans compter la quinzaine d’agents de la défense passive qui vont être victimes de bombes à retardement.

La gare de triage est hors d’usage et aucun train ne peut circuler avec le 24 avril entre Juvisy et la gare de Lyon à Paris. Les témoignages recueillis sont épouvantables et la désolation est lisible sur tous les visages.

Bombardement du 18 avril 1944 – 25 rue Denfert-Rochereau (aujourd’hui Henri-Barbusse)

Tout d’abord un petit rappel des faits : dans la nuit du 18 au 19 avril 1944 vers 23 heures plusieurs centaines d’avions Alliés bombardèrent la ville.

En moins de 25 minutes près de 3000 bombes d’un poids variant entre 250 et 500 kilos tombèrent sur la ville. Seulement 1/3 d’entre elles atteignirent leur objectif : le chemin de fer et la gare de triage.

Le bombardement a laissé une ville sinistrée à plus de 70% :

464 civils tués dont 46 enfants, plus des aviateurs et des inconnus et entre 600 et 700 blessés

750 maisons totalement détruites et 2500 très endommagées ainsi que presque tous les bâtiments publics

Au 25 rue Denfert Rochereau vivait la famille Budor, Henri Florentin, 75 ans, Ismérie Apolline Bureau, son épouse, 74 ans, et Victoire Désirée Bureau née Nicolas, la mère d’Ismérie, 97 ans.

Les bombardements aériens de 1944

Le bombardement de Noisy-le-Sec du mardi 18 avril 1944 au soir fait partie du Transportation Plan élaboré par les forces alliées (destruction des infrastructures ferroviaires dès mars 1944 pour empêcher la machine de guerre nazie de se déplacer à l‘approche du débarquement dans la zone Nord-Ouest de l’Europe) : objectifs ciblés, dont 32 en France. Durant ces trois mois, 22 000 avions largueront 66 000 tonnes de bombes sur la France, la Belgique et l’Allemagne. Les voies ferrées passant à Noisy sont d’une haute valeur stratégique, puisque y transitent tous les trains en direction de l’Allemagne : convois de déportés, de militaires allemands blessés, d’œuvres d’art françaises spoliées, mais aussi, dans le sens inverse, convois de matériels militaires et de troupes, notamment des divisions blindées. La gare de Noisy présente trois particularités : le dépôt (le plus important de la région Est), où sont garées, entretenues et réparées les locomotives à vapeur, le triage, qui s’étend jusqu’à Pantin, et le passage de la Grande Ceinture. Compte-tenu du caractère stratégique de ces trois sites, les Alliés ont décidé de les anéantir par un bombardement massif, qui sera réalisé à haute altitude pour protéger les avions.

Le second bombardement meurtrier sur notre ville est celui du 7 août 1944. Il a lieu de jour, peut-être dû à un avion ayant eu le besoin impératif de se délester de ses bombes. Il est très localisé vers le milieu de la rue de Brément mais est néanmoins meurtrier, occasionnant 5 morts et 20 blessés.

Le contexte historique :

Au total, sur l’ensemble de la guerre, les bombardements alliés occasionneront de l’ordre de 70 000 morts civils sur notre pays et détruiront des villes entières, notamment en Normandie (où Caen, Lisieux, Le Havre parmi beaucoup d’autres doivent selon les objectifs des alliés « être transformées en champs de ruines difficiles à franchir pour les troupes allemandes »), mais également en région parisienne et jusqu’à Marseille.

« Bombarder en amis » : c’est là la complexité et le paradoxe de la position des alliés (Anglais, Américains et Canadiens) quand ils larguent leurs bombes au-dessus de la France. Si pendant des années la polémique relative au dilemme « avantages/coûts » de ce type de bombardement massif est demeurée relativement modérée, depuis quelque temps le débat est devenu souvent moins consensuel.

Le déroulement de l’opération du 18 avril :

Le 18 avril 1944, les speakers de la BBC, la radio anglaise, diffusent un message codé : ’Les haricots verts sont secs, je répète, les haricots verts sont secs ». Ce message donne le top départ de l’opération sur des installations ferroviaires de Noisy-le-Sec.

Le bombardement de notre ville est attribué à 5 groupes de bombardiers lourds (3 canadiens et 2 anglais), regroupant 181 appareils et 1 250 hommes : 8 avions légers marqueront au préalable les cibles, à savoir la gare et les installations ferroviaires. 

Les avions décollent de bases du nord de l’Angleterre le 18 avril vers 20h30. Ils sont chacun chargés de 12 bombes (250 et 500 kg), dont certaines à retardement, et se positionnent en formation en V de 10 appareils imbriqués les uns dans les autres.

Parvenus à proximité de Noisy, ils se stabilisent à une altitude d’environ 3.500 mètres.

Ils arrivent sur la cible par le sud-ouest dans l’axe Bagnolet/Romainville, perpendiculairement aux voies de chemin de fer.

Vers 23 h la sirène, située dans le campanile de la mairie, retentit pour prévenir les habitants. Elle émet un son modulé pour signaler le début de l’alerte.

À partir de 23h25 les avions lâchent 2 076 bombes en 2 vagues, à 12 mn d’intervalle, 1 000 mètres avant les indicateurs de cibles qui brûlent sur la gare.

Un petit garçon, Jean-Marie Robert, avenue des Monteux, se met à pleurer en entendant le vacarme. Ses parents le consolent en lui disant qu’il s’agit d’un feu d’artifice. Le pavillon en face de chez eux sera totalement détruit par une bombe.

À 00h10 le bombardement est terminé.

Quatre bombardiers sont au sol (2 atteints par la DCA et 2 autres s’étant heurtés au-dessus de la gare) avec 27 militaires décédés (18 Canadiens et 9 Anglais, dont l’âge moyen est de 22 ans, le plus jeune ayant 19 ans). Deux autres survivront, dont l’un, le Canadien Gerard Joseph Shaughnessy, grâce à l’aide de Noiséens, pourra regagner l’Angleterre, l’autre étant fait prisonnier.

Militairement analysé, le raid sur Noisy est considéré par les Britanniques comme un succès (locomotives et wagons détruits, ateliers sévèrement touchés, rotondes inutilisables). Mais les voies sont rapidement réparées, le trafic reprenant dans la semaine. Compte-tenu du terrible bilan humain, la polémique demeure sur l’utilité de ce type de bombardement, d’autant plus que nombre de ces bombes sont à retardement, et entraîneront de nombreuses victimes le 19 avril et les jours suivants, notamment parmi les sauveteurs.

Les victimes :

Le bombardement a donc occasionné un massacre touchant indistinctement hommes, femmes et enfants. Nous avons recensé de l’ordre de 520 décès noiséens pour une population de 19 000 habitants, auxquels il faut ajouter au moins 172 victimes dans les communes limitrophes, ainsi que les 27 aviateurs, soit un total effectif de décès de l’ordre de 730 personnes suite à cette opération – sans même comptabiliser la trentaine de militaires allemands mortellement atteints – décompte sensiblement supérieur aux 464 victimes noiséennes, décompte rituellement et officiellement retenu depuis des années. Ce bilan fait de la ville l’une des plus meurtries par ce type de bombardement en France.

Certaines familles sont décimées, plus encore que ne le fait apparaître la similitude des noms : ainsi, parmi d’autres, sont frappés l’ensemble lié des Caspers et des Papillier, logeant tous au 20 boulevard de la République, ou encore les de Joannis-Pagan et les Real, résidant au 6 allée Joséphine, ainsi que les Remy et les Ludet (72 avenue Marceau). Des membres de la même famille ne logeant pas à la même adresse sont également pareillement des victimes (Jacob & Leclerc & Antoine, Richard & Laumonnier, d’autres encore).

ll faut y ajouter des centaines de blessés – nombreux marqués à vie – ainsi que les considérables dégâts matériels, sur une zone bombardée de 3 sur 6 kilomètres : sur les 6 000 immeubles de la ville, 350 à 400 seront totalement détruits, 300 à 500 très endommagés, 3 000 réparables, 1 500 à 2 000 demeurant intacts, sans parler des bâtiments et lieux rendus inutilisables (usines, bâtiments publics, établissements scolaires, lieux de culte, cimetière, égouts crevés …). 3 000 bombes ont été lâchées en 25 minutes, dont 300 engins à retardement – certains ayant encore été découverts et désamorcés récemment – faisant ensuite de nouvelles victimes et entravant les secours. Monsieur Genete, responsable de la Croix-Rouge, exprime sa révolte : « Sept jeunes gens de nos secours d’urgence ont déjà trouvé la mort par les bombes à retardement ». Noisy-le-Sec sera le 5 août déclarée « ville morte » par arrêté préfectoral, classement ensuite heureusement remis en cause suite à la mobilisation des femmes de notre ville.

Les corps des victimes sont entreposés au gymnase municipal, rempli en quelques heures. Faute de place la grande salle du restaurant « Chez Dessertine », place Jeanne d’Arc, est alors réquisitionnée. Là encore, les emplacements étant insuffisants pour les recueillir décemment, les cadavres des victimes sont emportés le 20 avril à Pantin, où une morgue est installée.

Si Noisy est la première victime de ce bombardement, ses voisines sont également fortement impactées, même si cet aspect demeure bien méconnu : ainsi Bondy constatera 27 décès et 37 blessés du fait de bombes ayant manqué leur cible, tandis que Romainville comptera 38 morts et 81 blessés, Bobigny 59 décès, Montreuil 13, Drancy 22, Bagnolet 3, les Lilas 6 et Le Pré-Saint-Gervais 1. Les victimes sur Rosny et sur Pantin n’ont jamais pu été répertoriées.

Les acteurs eux-mêmes du bombardement ont payé leur tribut, 27 d’entre eux restant au sol suite à la chute de leur avion sur Noisy-le-Sec. Si la plupart des aviateurs engagés sur cette opération en reviennent indemnes, beaucoup seront touchés lors d’une des sorties ultérieures, qui se succédèrent à une cadence effrenée : ainsi le lieutenant américain John Miller Earman, 25 ans, originaire de Harrisonburg en Virginie, avait participé comme pilote au raid sur Noisy. Il effectuera une nouvelle sortie le 22 sur Düsseldorf, puis de nouveau le 24 sur Karlruhre, le 26 sur Essen, enfin le 27/28 du même mois sur la gare de Montzen en Belgique, mission dont il ne reviendra jamais, son bombardier étant abattu par un chasseur allemand. De la même façon, le pilote Orville Lapointe, Canadien français, participera au bombardement sur Noisy, puis décèdera, après 4 nouvelles sorties, dans son avion accidenté le 3 mai et jamais retrouvé. Le pilote canadien Wilbur Boyd Bentz, dont c’était la première mission, trouvera la mort quelques jours plus tard en Belgique, son appareil étant abattu par un chasseur allemand, et son corps n’étant retrouvé que plus de cinquante années plus tard grâce à l’obstination de son neveu Jay Hammond. Près de la moitié (55 000) des 125 000 hommes ayant servi dans le « Bomber Command » britannique trouvèrent la mort durant la guerre.

Dès le lendemain Philippe Henriot, surnommé le Goebbels français, secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement Laval, proclame sur Radio Paris que « le véritable ennemi de la France n’est pas l’Allemagne, mais l’Angleterre ». Il sera exécuté deux mois plus tard par la Résistance. Philippe Pétain lui rendra hommage lors de ses obsèques nationales célébrées à Notre-Dame.

L’origine géographique des victimes

D’où sont originaires, où sont nées les victimes noiséennes des bombardements ?

Pour la région parisienne, les données sont ventilées selon l’ancienne nomenclature, à savoir que le département « Seine » (hors Paris) est pour une bonne part l’équivalent de l’ensemble actuel des trois départements de petite couronne (92+93+94), tandis que la Seine-et-Oise regroupe les départements 78+91+95 :

Les victimes – sans doute représentatives de l’ensemble de la population noiséenne, qui s’établissait alors aux environs de 19 000 personnes – ne sont déclarées nées qu’à hauteur de 15% dans notre commune.

Mais le lieu de naissance est fortement corrélé à l’âge. Si les départements de l’Est de la France sont fortement représentés (25 % des naissances, dont 4 % nées dans le département de la Marne, et 5 % nées en Seine-et-Marne), on constate une très forte différence entre les personnes nées avant 1900 (donc ayant plus de 45 ans), et celles nées après. Ainsi parmi les plus anciens, plus d’un tiers sont nés dans l’Est de la France, et seuls 5 % d’entre eux sont nés à Noisy (reflet sans doute de l’afflux de travailleurs de ces régions venus participer au développement du chemin de fer et de l’industrie dans notre ville). Par contre, parmi les décédés les plus jeunes (moins de 45 ans), seuls un sur six d’entre eux sont originaires de l’Est., tandis que 22 % d’entre eux sont natifs de Noisy.

On remarquera que seules 4 victimes sont originaires de l’ouest parisien (petite et grande couronne).

Parmi les personnes décédées suite au bombardement, 21 sont nées hors de la France métropolitaine (4 en Algérie, 9 en Europe de l’Ouest, 4 en Europe de l’Est , et 4 en Turquie – apparemment pour ces derniers il s’agit de réfugiés consécutifs au génocide arménien).

Les décès par rue (bombardement d’avril)
Voir la carte interactive ci-dessus.

Les habitants du logement le plus affecté par les bombes ont été ceux du 19 boulevard de la République, avec 27 décès. La bombe est entrée par le soupirail de la cave de l’immeuble où étaient réfugiés les résidents. Ceci explique que cet immeuble, au coin de la rue Joséphine, soit demeuré debout et quasiment intact. Au 91 du même boulevard, la voie noiséenne la plus meurtrie (71 victimes), le bilan se monte à 22 décès. Le 72 bis de l’avenue Gallieni est également très lourdement affecté, avec 21 victimes.

L’est, le sud et l’ouest de la ville, moins denses et plus éloignés du chemin de fer, ont été « relativement » épargnés, tandis que le hasard a fait que l’une des principales voies noiséennes, le boulevard Michelet, a été totalement épargnée en termes de victimes décédées.

Rapport sommaire et provisoire de M. T. ingénieur voyer, établi au lendemain du bombardement.

Date du bombardement : nuit du 18 au 19 avril 1944.

Heure : minuit

Durée : 40 minutes.

Nombre de bombes tombées : chiffre impossible à déterminer, tant le nombre de points de chute est important et en raison de la grande quantité de bombes à retardement qui continuent encore à exploser 3 jours après le sinistre.

Zone sinistrée : toute la ville, à l’exception du secteur bordant la route de Rosny, l’avenue Victor Hugo, la rue de Merlan, la rue de Brément à partir de Merlan et les pavillons isolés du quartier de la Boissière.

Immeubles sinistrés : les 6 000 immeubles de Noisy-le-Sec peuvent être décomposés de la façon suivante :

– totalement détruits : 350 à 400

– très endommagés : 300 à 500

– réparables : 3 000

– intacts 1 500 à 2 000

Répartition dans toute la ville.

Décès : cadavres retirés : 300 environ. Cadavres sous les décombres : 200 environ.

Nombre de bombes tombées : 1 dizaine à l’hectare, sur 300 Ha, soit environ 3 000 de 250 à 500 kgs chacune.

Observations : En raison du sinistre presque total qui s’est abattu sur l’ensemble de la cité, un rapport détaillé est impossible à faire, presque tout le personnel devant nous aider dans cette tâche faisant défaut par blessures, mort ou évacuation avec les familles.

Par ailleurs, l’existence de très nombreuses bombes à retardement qui ont sauté à la cadence d’une toutes les 2 ou 3 minutes.

Etablissements industriels et commerciaux :

– Papeterie 59 rue J. Jaurès, endommagée – 10 ouvriers en chômage

– Fonderies F.A.P.S, 97 av. de Bobigny – 200 ouvriers au chômage par suite manque de courant.

– Sté métallurgique de La Bonneville – entièrement détruite – 300 ouvriers travaillant au déblaiement.

Etablissements publics :

– mairie, commissariat, bureau P.T.T, Justice de Paix, Bureau d’arrondissement, Gendarmerie : détruits ou très endommagés.

– 2 brigades de gendarmerie : détruites ou très endommagées.

– Caserne de pompiers, av. de Verdun : soufflée, inutilisable.

la mairie (source, Mme Preschey)

Etablissements du culte :

– Saint Jean Baptiste – rue Dombasle : très endommagée

– Saint Etienne – place Foch : soufflée, inutilisable.

Etablissements religieux :

– cloître Château-London (sic) : détérioré par une bombe.

Etablissements scolaires : détruits

– 2 allée Bayard, 31 rue du Dr Charcot, 18, 19 et 20 rue Baudin, rue Carnot et Bld Gambetta, école Cottereau

Cimetière : 20 bombes dans l’ancien Cimetière.

Eau, gaz , électricité : Noisy-le-Sec en est privé.

Immeubles détruits :

Immeubles fortement endommagés : Quantité très importante. Il serait plus simple de compter les immeubles intacts.

Egouts : Importantes inondations au bas de Noisy-le-Sec, allée du Moulin Harvy, les égouts crevés ne pouvant plus débiter.

Ismérie et Henri Budor, chez le photographe au début du 20ème siècle

C’était une famille de cultivateurs et Henri faisait partie de la Compagnie d’Arc.

Denise Vivien, née Gantois, qui avait 13 ans à l’époque et habitait au n° 30 (pratiquement en face du 25) s’en souvient bien.

La nuit du 18 avril, quand la sirène retentit annonçant une alerte, toute la famille était déjà couchée mais ils décidèrent de rester chez eux, plusieurs fois auparavant ils avaient été s’abriter chez la famille Budor, dans la grange derrière la maison.

Au n° 23bis (angle rue Denfert-Rochereau et Passage François Cochu) les habitants avaient entendu des messages à la radio et pensaient qu’il se préparait quelque chose, ils étaient donc partis de chez eux dans la journée.

D’autres voisins, par contre, se réfugièrent au n°25, cette fois-ci dans la cave de la maison d’habitation et non dans la grange, les Budor ayant certainement estimé qu’ils y seraient plus en sécurité.

La famille Budor, Ismérie, Henri et Victoire Bureau, née Nicolas, la mère d’Ismérie.

Il y avait :

Mme Fernande Marie L’Hermitte, 55 ans

La Famille Néant habitant au 31bis : la mère Madeleine, 44 ans, les deux enfants de 14 ans, des jumeaux, Jean et Denise

Mme Germaine Soulas, 43 ans et son fils Germain, habitant au 27

Malheureusement cette nuit là le bombardement fut terrible sur Noisy-le-Sec, une bombe est tombée sur la maison et les 9 personnes furent ensevelies dans la cave sous les décombres et la grange est restée intacte … comme l’a constatée la famille Gantois le lendemain dont la maison n’avait pas subi de gros dommages, mais comme beaucoup d’autres habitants de Noisy, les Gantois décidèrent de quitter la ville provisoirement.

Les quelques photos prises à l’époque nous permettent d’imaginer l’horreur que fut cet épisode de la guerre pour la ville de Noisy-le-Sec qui s’est vu attribuée en 1948 la Croix de Guerre avec Palme par le Ministre de la Défense Nationale M. Ramadier.

Noisy-le-Sec, ville martyre Publié le 4 octobre 2010 par Bernard Bonnejean

Noisy a failli mourir le 18 avril 1944

L'expression euphémistique dégâts collatéraux est beaucoup plus ancienne qu'on ne pourrait le supposer. Elle aurait été utilisée pour la première fois par l'armée des Etats-Unis d'Amérique lors de la guerre du Vietnam. Si nos alliés ne sont pas à l'origine des faits, aussi vieux que notre monde belliqueux, ils sont les auteurs de sa définition officielle, admise par l'ensemble des belligérants : 

Ce qui signifie (traduction personnelle) :

Au sens large, les dommages collatéraux sont des dommages non intentionnels ou accidentels affectant les installations, l'équipement ou les personnes, causés par des actions militaires dirigées contre des forces ennemies ciblées ou leurs installations. Ces dommages peuvent se produire contre les forces amies, neutres, et même ennemies.

Une "bavure" ou un "collateral damage"

Autrement dit, un dommage collatéral ne peut en aucun cas s'apparenter à un crime de guerre, puisqu'il est involontaire et accidentel. Cependant, le risque de dommages collatéraux est d'autant plus grand qu'augmente la force de frappe. Un corps à corps à la baïonnette ne peut produire ce genre de "bavure" ; un tir d'artillerie est déjà plus meurtrier pour les populations civiles ; le bombardement intensif d'une zone urbaine occasionne inéluctablement plus de dégâts et de morts chez les civils que chez les soldats.

Sans entrer dans une polémique déplacée dans le contexte, on est quand même en droit de se demander ce que, lors de la dernière guerre, visaient nos alliés lorsqu'ils bombardaient nos villes ? En premier lieu, les troupes ennemies, les bâtiments qu'elles occupaient et leur matériel militaire. En second lieu, les moyens de communication : triage, voies ferrées et gares ; ponts et grands axes routiers. Enfin, plus discutable, les industries civiles censées aider à la collaboration avec les occupants et, par conséquent, susceptibles de constituer un frein à l'avance des libérateurs. 

Si tous les historiens admettent aujourd'hui que la libération de la France ne pouvait se faire sans un sacrifice douloureux et exigeant des populations civiles, les témoins, encore assez nombreux, de l'époque sont loin d'être aussi compréhensifs et catégoriques. Ainsi on s'accorde à penser que Patton, surnommé Sang et Tripes, aurait pu faire l'économie de la dévastation de Saint-Malo en août 44, une "pochette" à Allemands pratiquement inoffensifs sans aucun intérêt stratégique.

Louis Caro raconte ainsi cet épouvantable gâchis :

Les Américains frappent calmement, méthodiquement, avec l'assurance que leur procure une parfaite bonne conscience et une saine économie de temps. Des témoins diront plus tard qu'ils en ont vus, entre deux salves et deux lampées de whisky, tranquillement reposer dans de confortables chaises longues.

Au terme de cet acharnement inepte, reconnu comme tel par les USA eux-mêmes après la guerre, les survivants effarés découvriront une ville rase, une ville morte, dont les quatre cinquièmes sont réduits en poussière. 500 000 mètres cubes de gravats, sur lesquels flotte le drapeau étoilé, pour 5000 rescapés sans-abri. Peut-on encore parler de dommages collatéraux ?

Il aura fallu près de huit jours pour que la cité malouine soit rayée de la carte ; vingt-cinq minutes auraient pu suffir pour que Noisy-le-Sec ne meure en ce 18 avril 1944.

Vers 23 heures, en ce mardi de cauchemar, des vagues successives d'avions alliés survolant la région parisienne opèrent en piqué à faible altitude et lâchent 2000 bombes, dont plusieurs projectiles d'une tonne à retardement. Le bombardement touche le 12ème arrondissement de Paris, Bondy, Romainville, Bobigny, Drancy, Montreuil, Les Lilas et Noisy-le-Sec dont la gare est l'objectif principal.

Des témoins racontent les événements subis dans une plaquette que m'a aimablement donnée l'archiviste de la Municipalité actuelle. Le récit de Madame Mireille RUQUET m'a particulièrement touché. Elle commence ainsi :

J'avais 17 ans. Peu de temps après, je ne les avais plus.

Jeune insouciante, elle refuse de gagner les refuges à cette énième alerte, pour rien, comme d'habitude. Son père la tire du lit, apparemment trop tard : il est projeté au bas de l'escalier par la première bombe. Par miracle, toute la famille et l'arpète s'en sont sortis indemnes. Mais au moment de sortir, Mireille perd à jamais son adolescence :

Tous les gens de l'immeuble et de l'impasse Joséphine s'étaient réfugiés dans la cave prévue comme abri. Ils y étaient piégés. Il y a eu plus de 70 victimes. [...] C'était horrible. [...] Pour dégager un blessé il a fallu lui scier la jambe. Que d'horreurs ! J'avais une très bonne amie, elle est morte étouffée, elle avait 22 ans.

Radio-Londres avait prévenu : "Les haricots sont secs" , le signal prévu pour prévenir que la gare de Noisy et son dépôt de munitions seraient bombardés. Les Noiséens, dans leur grande majorité, ont compris la nécessité de l'opération militaire. Noisy avait tant souffert de la guerre ; elle comptait tant de résistants. Une chose pourtant que les habitants ne comprenaient pas :

Je ne reconnaissais plus ma ville, dit Madame Monique COUPE, âgée de 8 ans en 44. Des gens couraient, ma rue n'était plus la même, partout des décombres. [...] Avec ma cousine et quelques amis, nous nous rendîmes sur place pour retrouver la tombe de papa. Quand nous sommes rentrés, maman était furieuse car il y avait en ville de très nombreuses bombes à retardement.

On ne détruit pas un dépôt de munitions ni des installations ferroviaires avec des bombes à retardement. Peut-on encore parler de "dégâts collatéraux" pour les victimes de ces engins de mort sophistiqués ? Sans compter que même pour les survivants ces dégâts sont irréparables. C'est l'avis de Ginette, 16 ans, qui clôt son témoignage sur ce constat :

Un bombardement laisse des traces dans la mémoire, même si l'on a du mal à situer les événements dans le temps car après une demi-heure sous le bruit des bombes, on est abasourdi et nerveusement très affecté.

Je pense ici à ma soeur, réfugiée de l'Aisne en juin 40, qui à chaque orage revit le traumatisme des bombardements de l'exode.

Les dégâts furent si importants à Noisy-le-Sec que Pétain voulut rayer la ville de la carte, la déclarant ville morte. Mais, grâce à l'énergie des habitants et à l'efficacité des secours, la ville renaît. Les Sapeurs-Pompiers de Paris n'hésitent pas à employer les grands moyens : 21 officiers, 670 sous-officiers et hommes de troupes, 6 premiers secours, 10 fourgons-pompes, 2 autopompes à grande puissance, 1 bateau-pompe, 11 unités tactiques, 3 échelles, 3 groupes électro-ventilateurs et 6 ambulances. La Croix-Rouge, sous la direction de M. Pierre GENETE, n'est pas en reste. Lui aussi a du mal à contenir sa révolte :

Il est de fait que les explosions [de bombes à retardement] se multiplient à une cadence de plus en plus rapide, de plus en plus terrible. [...] Nous nous trouvons dans l'extrême et pénible obligation de laisser les vivants dans les situations d'une tragique gravité. [...] Sept jeunes gens de nos équipes d'urgence ont déjà trouvé la mort par les bombes à retardement. On évalue le 21 avril à environ 400 le nombre de bombes non éclatées.

La Croix-Rouge et les Pompiers resteront pourtant les derniers sur place après l'évacuation des zones dangereuses.

Près de 500 morts et autant de blessés ! Georges Suarez a beau jeu de titrer dans Aujourd'hui : Les gangsters de l'air sur Paris [...] le plus violent bombardement terroriste anglo-américain depuis 1940. Plus surprenant, La France socialiste titre : L'atroce bilan du dernier raid consacrant sa une aux "bombes à retardement". Le bilan est extrêmement lourd : 70% de la ville de Noisy-le-Sec sinistrés, 500 maisons détruites, 2500 très endommagées.

En 1945, M. Henri Quatremaire, président du Comité Local de Libération, est élu maire de 16 000 Noiséens. Ni Pétain ni les bombes ni les nazis ne sont venus à bout de Noisy-le-Sec, ville martyre, ville ressuscitée, ville où j'aime aujourd'hui à me promener quand je suis en Seine-Saint-Denis et sur laquelle, sans doute, j'écrirai un article un peu plus tard. 

Noisy-le-Sec aujourd'hui, une ville qui vit

Chaleureux remerciements à Madame le Maire actuel de Noisy-le-Sec, Alda PEREIRA LEMAITRE et à Monsieur Matthieu REGIS, archiviste.